Une collection de mots, de textes, écrits juste pour le plaisir de retrouver dans ma tête, une foule de souvenirs ...
« L’Heure douce. »
Guebwiller
est une petite ville pleine de charme qui s’est développée à l’entrée d’une
vallée verte et humide où il fait bon vivre. Le maire, qui chaque année
s’affaire à obtenir le titre de ville
fleurie l’a rendue au fil des années, plus colorée et verdoyante qu’un jardin
botanique. Les géraniums et les primevères se bousculent dans les bacs à fleurs
qui ont depuis peu reçu la visite inattendue d’arbres exotiques, d’espèces
rares qui composent une symphonie de couleur.
La ville
est traversée par une rivière calme et basse. Elle emmène sur son chemin de
cailloux habité par des canards, l’eau du grand ballon en direction de la plaine qui
s’étend à perte de vue, si loin que par beau temps on peut voir au loin se dessiner
les reliefs ensoleillés des Alpes Suisse.
Le
paysage y est vallonné. A gauche, les collines sont recouvertes par une épaisse
forêt qui sent bon la châtaigne et la terre mouillée. A droite, s’étend le domaine viticole
Schlumberger où les raisins mûrs dégringolent des arbustes chauffés au soleil
doux d’une fin d’après-midi d’été.
C’est là,
dans la douceur lumineuse des vignes exposées plein sud, que se trouve ma
maison d’enfance. Elle surplombe la vallée, donne une vue sur la plaine et
offre le spectacle
inoubliable du coucher de soleil sur les reliefs vallonnés du Petit et du Grand
Ballon.
C’est
précisément à cette heure magique où le soleil chaud d’été dépose sur chaque
chose avec son pinceau de lumière des paillettes dorées qui donnent l’illusion
que le paysage
s’est soudain transformé en or ; à cette heure où les ombres s’allongent,
où la chaleur se fait plus douce, que mon père sortait sur la terrasse avec sa
guitare pour jouer ses airs romantiques à la
nature.
Sa voix et le
son de sa guitare, aussi doux et chauds que le soleil s’envolaient dans l’air
comme des bulles de savon, et je pense pouvoir dire qu’à cet instant je
touchais le bonheur du bout des doigts.
On
s’installait avec mes frères et sœurs sur l’escalier de pierres grises,
chauffées par les rayons du soleil. Sortis tout juste d’un bon bain chaud,
on se serrait les un contre les autres, comme des petits moineaux parfumés au
savon de marseille. On fermait les yeux, pour
laisser entrer en nous le soleil et la douce musique, essayant par moment de
fredonner au vol une parole que nous avions retenue. Et avant que le soleil ne
disparaisse, mon père ou ma mère nous racontait
une histoire, et j’avais l’impression intime d’un moment d’éternité. De temps à
autre, un lézard curieux venait s’allonger sur la pierre encore bouillante pour se délecter de ce spectacle paisible, et
puis, s’en retournait à ses occupations.
Enfin, le
soleil disparaissait derrière la colline et l’air frais de la montagne
descendait dans la vallée comme pour nous sortir de notre torpeur. Dans un
frisson, nous rentrions l’un après l’autre, accrochant encore notre regard à la ligne
lumineuse de l’horizon.
Je ne
saurais pas me rappeler si on me le demandait une seule des discussions que
nous avions, mais je me souviens des rires, des mains serrées et des câlins, et
de cette ambiance que j’aime plus que tout et qui ne m’a jamais quittée.
J’appartiens à cette heure et elle m’habite, et lorsque le temps est gris et
que je suis triste, je regarde au fond de mon cœur et je prends un peu de cette lumière que j’ai enfermée en
moi comme un trésor.
Aujourd’hui,
dès qu’il m’est possible de le faire, je retourne sur la terrasse de mes
parents à l’heure douce où mon père m’attend avec sa guitare. Je fredonne avec
lui ces chansons que je connais maintenant
par cœur, en pensant à ceux qui devraient être là avec nous, ma mère qui travaille en Suisse, mon grand frère, au Malawi,
ma petite sœur, à Strasbourg, et mon petit
frère en vadrouille avec ses copains….
Car où
que je sois, n’importe où sur terre, l’heure douce est universelle et il ne
m’est pas possible
de manquer ce moment magique, où la terre rencontre le soleil et où le bonheur
est à portée de main dans cet instant qui est le
mien.
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« Il pousse
plus de choses dans un jardin qu’on en a semé… »
Proverbe Serbo-Croate.
Il était une fois une maison. Une
maison nichée sur le flan d’une colline. Une maison regardant le soleil. Une
maison d’où s’échappait des rires d’enfants. C’était la maison du bonheur, sans
aucun doute.
Dans le jardin, qui s’organisait par
paliers, un tapis de pelouse verdoyant s’étalait, suivant la route sinueuse
imposée par les arbres fruitiers. Deux vieux pommiers aux branches si chargées
de pommes qu’elles touchaient presque terre tendaient leurs feuilles au soleil
en dégageant un parfum suave laissant deviner pour l’automne, le délice caché
au cœur de leurs fruits. Un peu plus haut, sur la terrasse pavée, un banc avait
été placé devant l’entrée, comme pour inviter le visiteur à s’installer et à ne
plus partir. Un gros chat noir et blanc ayant bien compris cette invitation,
s’étirait langoureusement au soleil en ronronnant de plaisir. Dans le fond à
droite, dans un petit enclos de bois, une vieille tortue de terre avançait
maladroitement sur les pavés en direction d’une feuille de salade appétissante
qui avait été laissée là à son intention. Les rayons du soleil qui se
reflétaient sur sa lourde carapace rendait encore plus difficile son avancée
mais elle avait la ferme intention de ne pas renoncer à cet instant de plaisir
que lui offrait cette longue journée d’été. Devant le garage avaient été posés
trois vélos hollandais. Ils s’appuyaient les uns contre les autres dans un
équilibre fragile laissant deviner la fin d’une ballade en famille. Sur le côté
gauche, une allée menait sur la partie arrière de la maison. Elle était bordée
de roses trémières, penchant la tête sous le poids de leur trop lourdes têtes,
souvenirs précieux de l’île de ré, chantant un air de vacances dans la lumière du soir. De l’autre côté s’étendait le
jardin potager. Débordant de tomates bien mûres, d’herbes aromatiques, de
carottes, de courgettes, et d’autres légumes appétissants qui par leur bonne
mine témoignaient qu’on s’occupait bien d’eux ! Il y avait aussi le plan
de rhubarbe acidulé, celle qu’on cueille quand on est enfant, qu’on fait
éplucher par sa grand-mère et qu’on trempe dans un ramequin rempli de sucre et
qui adulte vous donne autant de plaisir et de réminiscences que la
« madeleine » de Proust. Derrière, dans un carré d’herbe fraîchement
arrosé, un cerisier s’épanouissait en dévoilant au soleil ses belles cerises
dorées. Il fallait monter quelques marche pour arriver sur la grande terrasse
arrière dont les pierres chaudes étaient le paradis des lézards paresseux. Une
grande table avait été installée et dans le fond un barbecue laissant deviner
que la famille était nombreuse et que tous ceux qui en avaient le temps ou
l’envie y serait chaleureusement invités. Un peu plus haut, sur la terrasse
supérieure, on apercevait un autre potager, une belle herbe verte et un
cerisier dont les fruits noirs et mûrs dégringolaient par grappes entières.
« C’est seulement au moment de
les quitter qu’on mesure son attachement à un lieu à une maison ou à sa famille… »
La maison est pourtant simple, et
quand on y regarde à deux fois elle serait presque un peu banale. Murs blancs,
toit gris, mais comme le dit si bien Marcel Pagnol « Si on jugeait les
choses à leur apparence, personne n’aurait jamais voulu manger un
oursin ! » Car il en est tout autrement, car en son cœur c’est une
maison qui vit, qui bourdonne, qui résonne du bonheur emmagasiné durant la vie
d’une famille de huit enfants, qui y ont grandit, qui y ont joué, qui s’y sont
bagarrés qui y ont ri et sûrement pleuré, qui ont partagé et écouté, et qui peu
à peu au contact des aventures de la vie, épaulés par des parents aimants et
présents sont devenus adultes. C’est là que certains ont fait leurs premiers
pas, ont dit leurs premiers mots, et bien plus tard ont eu leurs premiers
chagrins d’amour… Cet endroit déborde de toute cette vie qui rayonne encore le
long des murs de cette maison aujourd’hui laissé à l’abandon…, dans chaque
bouton de fleur, dans le bouquet de romarin, dans le kiwi qui a envahi le jardin,
Et si vous tendez bien l’oreille même le vent qui souffle dans les herbes
hautes chuchote encore aujourd’hui que : « Le bonheur se trouve
ici »
Ici ? C’est la maison de Roland
et Mado. Celle où je venais petite fille chercher les câlins et les mots doux.
La porte vitrée s’ouvrait sur le sourire radieux de Mamoune, qui en vous
serrant contre son cœur vous montrait comme elle était heureuse de vous voir et
vous donnait ainsi le sentiment de compter vraiment. Je me souviens de l’odeur
de la maison qui imprègne encore les petites serviettes à fleurs bleues gardées
précieusement en souvenir. Je me rappelle, le jus de pommes et de pamplemousses
cherchés en vélo au Super U, les spaghettis bolognaise du samedi midi, le chou
rouge aux marrons de Papoune qui fondait dans la bouche. Mais aussi, après
avoir dormi chez eux sous le poids des draps craquants que Mamoune prenait soin
de vous border de chaque côté de telle sorte que vous étiez si emmitouflé que
vous ne pouviez presque plus bouger, Je me souviens de l’odeur de la ricorée du
matin, des tartines qui grillent dans le grille-pain et de cette ambiance
paisible qui vous faisait vous sentir bien. Et puis, il y avait Papoune et sa
main douce et chaude qui vous caressait la nuque en vous appelant « ma douce »,
qui vous enveloppait de sa bonne humeur et Mamoune le sourire aux lèvres qui
complimentait toute nouvelle tenue ou nouvelle coiffure. Elle était attentive
aux moindres détails, vous écoutait, vous encourageait. Elle était là, présente
pour vous, bienveillante.
Je me rappelle aussi les grands repas
familiaux où la maison fourmillait de monde et débordait d’éclats de rire lors
des veillées de Noël tous ensemble autour du sapin.
Papoune et Mamoune ont habité ce lieu
de leur présence, ils y ont laissé un peu de leur bonheur, un peu de leur vie,
un peu de leur amour dans chaque recoin de la maison ou du jardin. Ils ne sont
plus là mais « le square »
résonne encore de leur présence. Une vie passée à un endroit ne peu pas
s’effacer quand on s’en va.
Aujourd’hui, la maison est en vente,
elle va désormais appartenir à des inconnus, qui n’y ont aucun souvenir, pour
qui ce terrain, n’est qu’une adresse exploitable parmi d’autres, un bon
investissement. Ils n’ont pas la moindre idée de ce qui a pu se vivre en ces
lieux, pas le moindre souvenir dans ce jardin si sauvage soit-il, pas la
moindre sensibilité pour entendre l’écho des rires qui résonnent encore sur les
vieux murs de pierre et … la chose la
plus précieuse qui nous reste aujourd’hui de Papoune et Mamoune va s’en aller,
des souvenirs vendus pour de l’argent…
Je ne peux m’y résoudre. J’aurai rêvé y vivre, habiter ce
lieu comme ils ont pu le faire, y voir grandir mes enfants, … Et même s’il faut
changer, y faire d’autres projets, j’aurai gardé les roses trémières, et les
deux vieux pommiers, aussi le cerisier, et les plans de rhubarbes, et puis ce
kiwi solitaire à la recherche de son âme sœur. J’aurai eu dans mon frigo, le
même jus de pomme du super U pour vous en offrir un verre à chacune de vos
visites, j’aurai même cuisiné, juste pour me rappeler, les spaghettis du
samedi… et j’aurai appelé ma maison « la villa des jonquilles », fête
ou une belle fille rencontra son Roland et l’aima tendrement jusqu’à la nuit
des temps. J’aurai gardé tout ça pace qu’au fond de moi, je sais que certains
jours en regardant par la fenêtre j’aurai su qu’ils sont là… assis sous le
pommier… juste à veiller sur moi.
Mel ...
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